Los Angeles, novembre 2019. Nous nous trouvons dans une ville
pluvieuse et crépusculaire, perpétuellement couverte de pollution. Un futur
dystopique est déjà là pour la population qui fait face aux avancés
technologiques bien représentées par les « réplicants », des androïdes
à l'apparence humaine qui sont considérés comme une menace pour la
société.
Ce n’est pas difficile de comprendre l’allusion au chef-d'œuvre
cinématographique « Blade Runner » qui invite les spectateurs à
s'interroger sur l’humanité et sa signification à l’aide d’un voyage dans les
méandres du progrès scientifique.
Bien que l’histoire se déroule à l’époque contemporaine, le film
date de 1982, presque 30 ans après la publication de l’article « Computing
Machinery and Intelligence », écrit par Alan Turing, considéré comme le
père de l’Intelligence Artificielle. Le but de ses recherches était de répondre
à la question « Les machines peuvent-elles penser ? ». Pour y répondre,
Alan Turing a développé un modèle d’intelligence artificielle à l'aide du Test
de Turing, fondé sur la faculté d'une machine à imiter la conversation humain
(Ce Test a inspiré Ridley Scott qui a introduit le test de Voight-Kampff dans
Blade Runner).
L'intelligence Artificielle n’est donc pas un sujet en vogue de
notre époque, mais depuis des décennies il suscite l'intérêt de la Communauté
Scientifique. Beaucoup de chercheurs, en effet, sont toujours au travail pour
découvrir de nouvelles déclinaisons de la pensée humaine. Plus que le thème en lui-même, ce qui
représente la vraie nouveauté de nos jours c’est plutôt la technologie qui
alimente les innombrables utilisations de l’IA : le Machine Learning, le
traitement du langage naturel ou la Robotique comptent parmi les sujets les
plus examinés par les scientifiques.
A partir de 1956 les différentes utilisations de l’IA ont connu une
augmentation exponentielle : la raison en est que cette année-là,
l’intelligence artificielle est officiellement devenue un domaine de recherche.
Aujourd’hui son application a des incidences sur différents secteurs de
l’économie : les transports, la vente au détail, la médecine et
l’ingénierie.
L’industrie de la mode ne fait pas exception : dès que les Fashion
week ont fermé leurs portes pour cette saison, les marques se sont déjà mises au
travail pour la production et la distribution des vêtements présentés lors des
défilés. Quel futur pour la mode avec l’IA ? La combinaison entre technologie
d’avant-garde et mode a déjà changé certaines pratiques du secteur et il n’est
pas difficile d'imaginer un futur où les vêtements et les accessoires arriveraient
sur le marché plus rapidement grâce à l’IA.
L’intersection entre la créativité des designers et l’intelligence
artificielle - prédictive et générative - a été largement examinée lors de
l’NRF Retail's Big Show à New York en janvier dernier. Pendant les conférences
et les ateliers, les intervenants ont souligné comment l’utilisation de l’IA
peut optimiser les opérations de business des entreprises.
Dans les domaines de l'innovation du produit, du marketing, des ventes et de l'expérience client, l'IA générative peut avoir des résultats significatifs et se montre plus facile à mettre en oeuvre que dans d'autres domaines de la chaîne de valeur de la mode. En plus des rapports sur les tendances et des analyses du marché, les détaillants et les designers peuvent désormais utiliser des algorithmes d'apprentissage automatique pour collecter et interpréter des données non structurées qui concernent le sentiment des consommateurs à partir de vidéos présentes sur les réseaux sociaux. Cela leur permet non seulement de créer des collections plus adaptées aux nouvelles tendances, mais aussi de personnaliser l'expérience d'achat pour les clients finaux. Un rôle différent est joué par l'IA prédictive, qui trouve déjà de nombreuses applications dans les domaines du réapprovisionnement et de la production.
On estime que la génération de capital liée à l'intelligence
artificielle pourrait atteindre jusqu'à 275 milliards de profits dans les
secteurs de l'habillement, de la mode et du luxe. Une donnée qui annonce une
nouvelle façon d'aborder les processus du secteur, orientant l'industrie vers
de nouveaux modèles de commerce.
L'intelligence artificielle n'est donc pas seulement une question
d'automatisation : elle concerne également l'optimisation et l'accélération des
flux de travail typiques d'une entreprise de mode.
Par exemple, l'IA révolutionne déjà la gestion des stocks et la
planification des étapes de production. Des marques de renom dans le domaine de
l’habillement sportif, figures de proue de cette révolution, utilisent l'IA
pour optimiser la gestion des stocks et de la logistique, améliorant ainsi
l'efficacité opérationnelle et réduisant les gaspillages.
Grâce à l'analyse prédictive, les détaillants peuvent anticiper la
demande des clients et maximiser les assortiments de produits en fonction de
facteurs tels que la saisonnalité, les préférences régionales et les tendances
du marché.
De plus, la possibilité d'analyser rapidement de grands volumes de
données permet de contrôler les composants de la chaîne de valeur qui interviennent
dans les phases de planification ou réapprovisionnement (stocks en magasin,
commandes, précisions, etc.) et d'intervenir rapidement en cas de crises
systémiques.
Dans le but d'atteindre une efficacité majeure, on vise également à
réduire les gaspillages (il faut considérer qu'actuellement, 40 % des produits
de mode dans le monde ne sont pas vendus au prix plein et que 25 % des produits
ne sont pas vendus du tout) et à maximiser les ventes, améliorant ainsi la
rentabilité globale de l'entreprise et soutenant simultanément la mode éthique
et durable.
Cependant, il ne faut pas oublier que dans un secteur comme la mode où les émotions et la créativité sont prédominantes, se fier uniquement aux données pourrait être une limite. Comme l'explique Francesca Muston, Vice-Présidente de la mode chez WGSN, une société leader dans la prédiction des tendances basée à Londres, il y a quelques années, de forts indicateurs sur les réseaux sociaux montraient que le jaune devenait une tendance. Cependant, bien que presque tout le monde a une réaction positive aux couleurs vives dans le monde virtuel, il est peu probable que quelqu'un porte un manteau jaune vif pendant tout l’hiver dans la vie réelle. Pour cette raison, pour créer des prévisions précises, le rôle des experts et des professionnels sera indispensable pour donner une interprétation réelle des données collectées à l’aide de l'IA.
Les utilisations de l'IA transforment également l'expérience en
magasin et en ligne des clients. Lors du
NRF à New York, nous avons observé avec intérêt des démonstrations de systèmes
de reconnaissance faciale et d'analyse du comportement des clients : ce
sont des données qui permettent aux vendeurs de proposer des recommandations
personnalisées et de maximiser l'engagement hors ligne et en ligne. Aux côtés
des nouvelles opportunités, quelques points d’attention émergent :
- La
gestion de l'emploi :
73% des dirigeants de l'industrie de la mode prévoient de donner la priorité à
l’IA Générative cette année, tandis que 62% des entreprises de mode l'utilisent
déjà. Cependant, comme l'explique le
rapport de McKinsey "The State of Fashion 2024", seulement 5% des
dirigeants ont déclaré être prêts à investir pleinement dans cette technologie.
Le risque est que beaucoup entre eux se retrouveront confrontés à une pénurie
de talents. Les chefs d'équipe et les
départements des ressources humaines seront donc appelés à s'engager pour
promouvoir la bonne culture d’entreprise et encourager l'utilisation de
technologies et d'outils de pointe;
- Le
risque de lock-in :
c'est une situation dans laquelle les entreprises pourraient se retrouver en
s'appuyant sur des fournisseurs monopolistiques en matière d'IA. Comme pour
tous les services à valeur ajoutée, il est essentiel d'avoir un plan B, et d’ouvrir
les portes aux collaborations avec plusieurs acteurs concurrents spécialisés
dans des domaines spécifiques;
- La
confidentialité des données et l'éthique de l'IA : la génération d’algorithmes d'intelligence
artificielle se produit encore aujourd'hui grâce à l'utilisation de données
personnelles "raclées" (webscraping). Les détaillants doivent trouver
l’équilibrer entre innovation, responsabilité sociale et transparence pour
assurer une gestion appropriée des données sensibles.
Libérer le potentiel des données pour analyser et tracer les
informations à travers des algorithmes construits selon les besoins des
différentes entreprises devient un facilitateur pour un nouveau chemin vers la
réalisation des objectifs commerciaux. Cela est vrai en particulier dans un
secteur comme la mode où l'évaluation de la demande garantit une planification
optimale de la production, évitant les surplus de stock ou les excédents de
marchandises invendues en magasin.
L'un des aspects les plus significatifs que nous retenons de notre
expérience à New York est la tendance croissante à la spécialisation des
acteurs de l'IA par domaine d'application : reconnaissance vocale, négociation
B2B, B2C, étude des comportements en espaces clos et ouverts, hologrammes qui interagissent
avec les visiteurs ne sont que quelques exemples d'applications de l'IA.
Dans ce contexte où l'hyperspécialisation par domaine conduit à la
proposition de solutions efficaces et réalisables à court terme, la valeur
ajoutée des entreprises sera représentée par la facilité d'intégration.
La culture des données doit être à la base d'une approche
responsable correcte, un chemin que Deda Group a entrepris de façon cohérente.
Chez Deda Stealth, nous travaillons pour assurer à nos clients
l'intégration responsable de nos plateformes technologiques, notamment grâce à
la collaboration avec ORS, entreprise du groupe Deda spécialisée dans le
développement d’algorithmes d’IA pour l’optimisation des processus intersectoriel.
L’avenir du commerce au détail peut sembler difficile à prévoir,
mais une chose est sûre : l'IA y sera au centre, représentant non pas une
tendance éphémère, mais une métamorphose fondamentale pour élargir les
possibilités de croissance tant pour les marques que pour les consommateurs.